Dans un Moyen-Orient fracturé par les idéologies, les conflits armés et les haines identitaires, une voix singulière s’élève : celle de la réconciliation interreligieuse traditionaliste. À rebours des modèles importés et des dérives islamistes, cette vision défendue par Ashteret propose une troisième voie — enracinée dans les textes, mais tournée vers la paix.
Sortir de la confusion
Depuis des décennies, le monde arabe oscille entre deux extrêmes : d’un côté, un islamisme politique qui confond foi et pouvoir ; de l’autre, un sécularisme perçu comme étranger aux sociétés locales. Les minorités religieuses, les penseurs critiques et les modérés sont piégés entre ces deux pôles. L’Occident, de son côté, échoue souvent à discerner la différence entre islam et islamisme, entre tradition spirituelle et idéologie autoritaire.
Comme le souligne Olga Kirschbaum-Shirazki dans son essai de référence (Traditionalist Interfaith Reconciliation: A Necessity for Regional Peace), tant que la région restera soumise à une logique islamiste fondée sur la théologie du remplacement — selon laquelle seul l’islam serait légitime, et les autres religions tolérées sous soumission — il n’y aura ni paix durable, ni coexistence égalitaire. Elle appelle à une rupture interne, venue de l’islam lui-même, et basée sur ses propres traditions pour reconnaître l’autre.
Les Accords d’Abraham : un tournant décisif
Les Accords d’Abraham marquent un tournant décisif dans l’histoire contemporaine du Moyen-Orient. Loin d’être de simples traités diplomatiques, ils incarnent l’émergence d’un islam traditionaliste non conquérant, capable de reconnaître la légitimité d’Israël et du judaïsme à partir de ses propres références théologiques. Les Émirats arabes unis en donnent l’exemple le plus clair.
Ce n’est pas une occidentalisation : c’est une réinterprétation interne. Comme Vatican II a permis aux chrétiens de sortir de la théologie du remplacement, certains États musulmans entament une redéfinition de leur rapport aux autres confessions. Ce processus n’est pas cosmétique : il est politique, éducatif, spirituel.
Kirschbaum-Shirazki insiste sur le fait que cette réorientation ne nie pas la tradition, mais en sélectionne les éléments compatibles avec la paix. Il s’agit de sortir du fondamentalisme sans tomber dans le relativisme, et de construire un modèle où les identités religieuses s’expriment librement, sans volonté d’hégémonie.
Le rôle d’Ashteret : médiateur, passeur, veilleur
Ashteret se situe au cœur de cette transformation. En créant une plateforme multilingue, en défendant une laïcité enracinée et un traditionalisme modéré, l’association veut offrir un cadre intellectuel, culturel et éducatif pour accompagner cette mutation. Elle s’adresse aux peuples arabes comme aux sociétés européennes, aux minorités comme aux majorités, aux croyants comme aux laïcs lucides.
Loin du relativisme moral et des slogans, Ashteret propose :
- de revaloriser les traditions religieuses comme leviers de coexistence,
- de déconstruire les logiques de domination fondées sur la religion,
- de soutenir les voix arabes, juives, chrétiennes, kurdes ou yézidies qui refusent la haine,
- de contrer l’hégémonie culturelle des Frères musulmans et de leurs parrains étatiques (Iran, Turquie, Qatar).
Une urgence pour le Moyen-Orient… et pour l’Europe
Car le combat est double : il se joue dans les rues de Beyrouth comme dans les écoles de Bruxelles. Il concerne la jeunesse arabe, mais aussi les opinions européennes. Refuser les amalgames, résister aux fanatismes, reconstruire une pensée religieuse ouverte, ce n’est pas une lubie universitaire : c’est une condition de la paix à venir.
La réconciliation traditionaliste n’est ni une nostalgie, ni une utopie. C’est un chantier possible, crédible, urgent. Ashteret en fait le pari, avec ceux qui croient encore que les textes peuvent guérir les blessures qu’ils ont parfois contribué à ouvrir.
Aujourd’hui, la vraie rupture n’est pas entre foi et raison. Elle est entre ceux qui veulent imposer, et ceux qui veulent dialoguer. Entre ceux qui veulent effacer, et ceux qui veulent relier. Entre ceux qui manipulent la mémoire, et ceux qui veulent penser la paix à hauteur d’homme.
Ashteret choisit son camp : celui de la réconciliation enracinée, de la foi sans fanatisme, et de la tradition au service du commun. Il est temps de lui donner voix et force.